Les Prisons de pixels
Voici un texte de Jonathan Mimouni qui a décidé de nous parler de l'emprisonnement que peut représenter le jeu vidéo, et qui surtout est le premier a participer au domaine de création assez libre qu'est ce blog. Donc merci bien à toi. Voici ledit texte :
Petit Prologue
Le jeu vidéo, et en particulier le RPG, est un ensemble d'univers, persistants ou non, qui s'axe sur la mise en place d'une immersion. A la manière d'un film, d'un roman, le jeu cherche à introduire le joueur/acteur/spectateur dans une histoire, un contexte, propice à générer un attachement fort. La différence avec le cinéma et la littérature reste dans la notion d'intéractivité, qui rend l'expérience d'autant plus fascinante. Une fascination polymorphe qui aboutit pourtant souvent à des phases plus ou moins importantes d'addiction. Une réalité souvent crainte et montée en grasse mayonnaise par des médias influents souvent totalement extérieurs au sujet. Car si addiction il y a, sauf dans les cas pathologiques, elle est une réaction d'excitation de la découverte, d'un pouvoir nouvellement acquis, ou précisément dans le cas du RPG, d'une envie profonde de suivre une trame riche et de plus en plus cinématographique dans son traitement. Même si les exemples en la matière reste des jeux d'action comme les intervenants de la série Metal Gear, ou encore le dernier Resident Evil. De fait, le joueur tend désormais à se fondre dans l'espace-temps filmique et à ressentir le jeu comme une donnée unique, une expérience qu'il se doit de vivre dans l'instant. D'où cette tendance à pousser de plus en plus en avant le désir de progresser, de connaître une suite qui ne vient pas assez vite, de passer de plus en plus de temps dans l'attente de La ou Des révélations. Le RPG comme glissement naturel vers la série japonaise, aux codes souvent proches mais à l'approche plus libre et moins "chronovore" ? Peut-être, mais rien ne remplace pour autant le lien charnel de l'intéraction, véritable colonne vertébrale d'un jeu vidéo et piqûre de rappel de l'immersion.
Killy
Definir le probleme
La liberté, quelle est la réelle signification de ce concept. Est ce une donnée physique? Comportementale? Serait elle totalement subjective ou existe il une définition de la liberté décrivant les conditions minimum requises pour y adhérer?
Aujourd'hui je me rends compte que j'ai passé ma vie a avancer sur un tapis roulant vers un futur fabriqué préalablement par le milieu dans lequel je suis né.
Ma liberté d'action était restreinte par le cadre dans lequel je me trouvais, que se soit le cercle familial, l'école, le lycée ou bien l'armée.
Je me trouve maintenant pour la première fois hors d'un cadre, je suis libre et pourtant je persiste a m'enfermer dans une prison faites de suites chronologiques et autres spin off. Tout ça au nom de ma passion, de mon amour de la création. J'arrive a me demander si j'aime toujours autant pratiquer ce "passe temps" qui a bercé mon enfance, ou bien est ce juste devenu une habitude?...
Culpabilité et collectionisme
Je n'ai jamais moins joué que depuis que je possède autant de jeux. Quand j'étais gosse, il fallait attendre l'anniversaire pour recevoir un jeu. C'était une époque ou je jouais pour jouer, par pur divertissement, et c'est la période ou furent posées les bases de ma pensée critique actuelle du média. Si je n'avais jamais joué a tel ou tel jeu étant enfant, peut être que j'aimerais des styles de jeux totalement différents aujourd'hui, ou qui sait, peut être que je ne jouerais plus du tout. Chaque jeu qui me tombait entre les mains, était pleinement potentialisé et je ne manquais pas une miette de contenu. Avec l'arrivée de l'indépendance financière, vint aussi l'achat plus fréquent de nouveaux titres dans le but de satisfaire mon appétit toujours grandissant de "divertissement" en tout genre. Plus le temps avançait et plus je prenais gout a de nouveaux genres qui furent eux mêmes sans cesse renouvelés avec l'arrivée de nouvelles technologie. Comme les développeurs ne peuvent pas se permettre de penser que tout le monde va acheter tous leurs jeux, ils multiplient les sorties de titres divers. Rien qu'a l'idée de rater un épisode d'une série qui m'est chére me donne des frissons."Rater" est vraiment le mot qui définit le mieux cette émotion, comme ci je manquais un morceau de ma vie si je ne jouais pas a ce jeu. C'est cette culpabilité qui n'a pas lieu d'être que j'essaie de dénoncer ici. Je me rends compte que chaque jour ou je fais grandir ma collection d’un nouvel élément, je me mets a espérer qu'il ne dure pas trop longtemps. Pourquoi? parce que j'ai une liste de morceaux de vie a vivre, et que je ne peux pas me permettre de m'éterniser sur un seul morceau trop longtemps. Mais quand est il de ma propre vie? Celle la même dont le contrôle vient de m'être enfin restitué. Et surtout, qui définit la façon logique et morale de vivre?
Je ne suis pas seul
Un autre aspect de la “maladie” dont je parle est bien sur le nombre impressionnant de personnes quelle touche. Chaque site de jeux vidéo (pour ne citer que ce media) possède un forum ou l'on peut discuter de sa passion avec d'autres. Partager les émotions ressenties devant les oeuvres numériques que nous chérissons fait partie intégrante du plaisir. Pourtant il m'arrive de tellement vouloir partager que j'en oublie de jouer. Comme si je baissais les bras et que je ne voulais pas faire face a la montagne de "travail" qui m'attendait.
Une communauté s'est crée, ses membres sont devenus autonomes, ils se revendiquent eux mêmes. Des Geeks, des Nolife, ou pire, des gameurs...
Qu'est ce qu'un gameur? C'est quelqu'un qui joue et ce qu'il fait, c'est jouer!
"Jouer", un mot qui désigne à la normale quelque chose qui ne peut pas constituer l'entière fondation de l'existence, un loisir. Je ne saurais dire si d'un point de vue global cela est bien ou mal. Je ne me décris pas comme étant un gameur, pour moi les jeux vidéo sont un art a part entière et je les vis comme tel, au même niveau que le cinéma ou bien que la musique. Il est important pour moi de préciser que je ne viens juger personne avec telle ou telle définition. Prendre conscience de ce qu’ont choisit de faire et d'être est important, la vision que les autres peuvent avoir sur nous n’est que subjective, et souvent hypocrite.
L'ame humaine
Les producteurs l'ont bien compris, les jeux sont voués a un bel avenir avec plein de billets a la clé. "Les coups de génie qui créèrent les oeuvres incontournables par le passé, deviendront les points faibles de nostalgie sur lesquels ils nous faudra appuyer pour faire pleuvoir les dollars". Avec des budgets toujours plus importants, on enchaine les campagnes publicitaires, tel un fabriquant de tabac rajoutant toujours plus de produits dans ses cigarettes pour amplifier l’addiction et augmenter la difficulté a raccrocher. Les produits deviennent de plus en plus racoleurs et cela va même jusqu'à mettre en péril les quelques fous restant qui croient encore en la créativité (Clover R.I.P).
L'âme humaine est tellement bien exploité que les gens en redemandent, chacun apporte sa contribution pour creuser le trou de l'industrie qu'ils aiment tant. Et puis en y pensant bien, la finalité qui se dessine n'est elle pas la suite naturelle évolutive, cela ne serait que représentatif de l'incapacité de l'homme à surmonter son instinct de destruction. Ce qui nous ramène a la thématique de l'enfant empilant des cubes pendant des heures, et ce dans le seul but de se voir tout détruire a la fin.
La Liberation
Après avoir dressé un tableau plutôt pessimiste de la situation, je crois qu'il est intelligent de rappeler que si il n'y avait pas une cause magnifique a défendre, ce texte n'aurai jamais vu le jour. Cependant j'ai conscience de n'avoir qu'effleuré la partie emmergé de l'iceberg.
La première bataille qu'il est impératif de gagner est celle qu'on doit livrer contre nous même. Quand a moi j'ai compris que comme dans tout, l'excès et l'abus sont dangereux et qu'il faut savoir se libérer de nos convictions et de nos pseudo obligations et ce dans le but d'apprécier pleinement cet art qui nous passionne et qui nous unit.
Strucbrux